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MIRABEAU.

ques mesures de circonstance, d’un impôt à voter, d’une guerre à entreprendre ou à terminer ; ni même, comme en d’autres temps, de paver la rançon d’un Roi, de défendre contre une bulle du Pape l’indépendance du Royaume, ou contre l’Espagnol la loi salique et le droit héréditaire de la monarchie.

Sur le vaste théâtre qui allait s’ouvrir, on sentait que l’établissement social tout entier allait remplir la scène et la déborder. À travers les ruines que de longs abus avaient entassées, il fallait creuser une pente et un lit au torrent d’idées nouvelles qui s’était répandu dans tous les esprits. La religion, la philosophie, la politique, l’autorité du Roi, les privilèges de la noblesse, les droits du peuple : il n’était pas une partie de l’édifice national dans laquelle des écrivains hardis n’eussent enfoncé leur pensée ; qu’ils n’eussent, depuis cinquante ans, ébranlée ou à moitié démolie.

Mais le temps des livres est déjà passé ; le temps des hommes « de plume et d’écritoire », commodément assis à leur bureau devant un public imaginaire, s’adressant de loin, sans contradicteurs, à des lecteurs sans défense. Il y aura désormais une salle pleine et bruyante, un auditoire présent et vivant devant lequel il faudra parler ; parler de sa personne, face à face, à des adversaires prêts à répondre, auxquels il faudra répondre à son tour. Aux utopies sorties des livres des philosophes, aux sages réformes mûries dans la tête des politiques, il faut une voix sonore et hardie, qui se fasse claire-