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MIRABEAU.

qu’il inspire ; se mettant sans cesse en évidence, parlant à tout propos et à toute heure ; tour à tour véhément et pathétique ; cherchant à vaincre par quelque surprise oratoire, par quelque coup de main éloquent, par quelque élan désespéré de raison et de bon sens, ces immuables antipathies ; pleurant enfin de honte et de colère quand une défaite trop sensible vient déconcerter ses efforts.

À cette force perdue qu’il essaie à vide, il cherche ailleurs une prise solide et un levier. Dans un temps où les gazettes étaient encore assez rares, ce merveilleux politique semble avoir, d’instinct, pressenti la souveraineté du journal, et comment, un jour, cette puissance insolente tiendrait à sa merci tous les pouvoirs de l’État.

Dès avant le 5 mai, Mirabeau publiait, au jour le jour, des brochures qui avaient pour titre : les États généraux, et qui devaient donner le compte rendu des séances. Mais ce titre inexact ne le mettait pas assez en lumière ; il le changea ; et bientôt les Lettres à ses commettants découvrirent hardiment sa personne et son but. C’était le journal et la chronique de lui-même , où il donnait le texte revu de ses discours, le commentaire flatteur de ses motions ou de ses votes, et qui prolongeait en louanges sonores l’écho de son intarissable éloquence. Un député doublé d’un journaliste ! Il avait devancé de cent ans une des plus dangereuses inventions de la politique.

Mais ce n’était pas seulement du public que Mirabeau voulait se faire entendre ; c’était surtout de la