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MIRABEAU.

Peu de temps après, un bien autre malentendu devait avoir, pour la France et pour lui, de bien autres conséquences. Je veux parler de la séance mémorable du 23 juin, où, fort de sa conscience et de sa popularité, le Roi crut pouvoir imposer aux trois ordres divisés son arbitrage souverain ; où le marquis de Dreux-Brézé remplit, avec un courage plein de bonne grâce et de dignité, le devoir de sa charge ; et où Mirabeau allait prendre d’un seul coup, au milieu des partis en désordre, la place que, jusque-là, il s’était efforcé vainement de conquérir.

Quand on relit aujourd’hui les déclarations solennelles faites, ce jour-là, par le souverain, puis la charte de 1814 qui, à vingt-cinq ans de distance, ne fait guère que les répéter, on cherche en vain, dans ce sanglant intervalle, ce qu’ont gagné la Raison, la Justice et la Liberté. Les conquêtes nouvelles qu’elles avaient à faire ne valaient, vraiment, ni tant de sang, ni tant de crimes. Quelques mois de patience et de courage y auraient suffi. La terreur et l’échafaud n’ont été que le luxe effroyable d’une révolution inutile.

Mais, ce jour-là encore, on put voir quelle place tiennent les formes et les mots dans la conduite des affaires humaines. Ces déclarations libérales et sincères étaient faites dans un langage suranné qui paraissait les fausser et les démentir ; avec ces formules tranchantes et cette sorte de liturgie impérieuse qui avaient servi durant tant de siècles aux cérémonies du pouvoir absolu et aux lits de justice du despo-