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MIRABEAU.

des soirées remplies de rapports , occupées par des hommes rendus de fatigue, privés du temps nécessaire pour méditer et s’instruire, nous serons assaillis au dépourvu par les plus tristes événements. Il est certain que le premier ministre des finances viendra nous déclarer incessamment qu’il est forcé de nous rendre responsables de la banqueroute. »

Le ministre vint en effet. Cinq jours après cette facile prophétie, M. Necker, au nom du salut public, demandait à l’Assemblée de voter, d’urgence, une contribution du quart des revenus ; Necker, l’homme de France, on l’a vu, qui était le plus antipathique à Mirabeau ; celui dont la popularité le gênait le plus, dont le crédit et la renommée lui semblaient le plus insupportable des contresens…. Quelle occasion pour accabler l’adversaire détesté, le ministre tout-puissant et incapable qui, après un règne de près de deux années, avait acculé la nation à cet abîme ! Mirabeau ne songea pas un instant à cet indigne artifice. Necker seul savait le jour et l’heure où les créanciers de l’État allaient présenter leurs titres au Trésor ; Necker seul tenait les clefs de la caisse et en avait touché le fond ; Necker seul était assez populaire pour imposer au pays un sacrifice nécessaire. On n’avait ni le temps de vérifier ses calculs ni le loisir de contrôler ses projets. Il fallait agir, voter et payer.

Et aussitôt, comme s’il eût été l’allié le plus fidèle du ministère, l’ami le plus ardent du ministre, Mirabeau se jeta dans la lutte.