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MIRABEAU.

même, on doit toujours se défier un peu du surnaturel. Mais, à l’exagération même de l’image, à cette terreur superstitieuse qui, au bout d’un demi-siècle, agitait encore l’âme impassible de René, on comprend bien l’effroi religieux que, même aujourd’hui, le nom de Mirabeau inspire aux croyants de la vieille foi monarchique.

En chargeant ainsi Mirabeau de leurs anathèmes, les royalistes oublient bien des choses. Ils oublient, d’abord, quels furent, dans la noblesse de France, ses devanciers, ses émules et ses complices ; quels noms illustres avaient patronné, avant lui, la plupart des idées qu’il devait défendre plus tard. Ils oublient ces grands seigneurs qui hantaient, vingt ans auparavant, l’entresol suspect du docteur Quesnay et le salon frondeur de l’Ami des hommes ; ceux qui, dans le même temps, se disputaient les faveurs obséquieuses de Voltaire et l’ingratitude maussade du citoyen de Genève ; ces courtisans qui, derrière le prince de Conti, allaient, en dépit des arrêts du Parlement, s’inscrire en foule à la porte de Beaumarchais condamné. Faut-il rappeler que, dès 1775, en plein Parlement, dans un procès où le duc de Richelieu avait obtenu contre un de ses créanciers une lettre de cachet, on avait vu, « dans les princes du sang le prince de Conti, et dans les pairs M. de la Rochefoucauld, se distinguer par une éloquence très énergique, et s’élever avec force contre les abus de pouvoir… » ?

Les Mirabeau ne sont donc pas les seuls aristo-