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MIRABEAU.

vaux journaliers, barrant le flot, jeté en travers de ce torrent de paroles « qui ne se tait ni le jour, ni la nuit », un bloc énorme,… les cinquante mémoires adressés à la reine, comprenant, avec un cours complet de grande politique, un manuel raisonné de gouvernement, un plan de conduite détaillé, avec le dénombrement des partis, avec le calcul des forces sur lesquelles peut compter encore la monarchie, avec la distribution des rôles, la composition des « ateliers » (il aime ce mot) ; ce qu’il faut faire pour attirer à soi les députés qui sont à prendre, pour acheter ceux qui sont à vendre ; pour faire parler les journaux ou pour les faire taire ; pour ameuter les provinces contre Paris ; Paris et les provinces contre l’Assemblée.

Car, au fond, malgré les surprises qu’amènent les événements, les émeutes, les trahisons, les séditions municipales, les insurrections militaires, enfin l’anarchie montante de chaque jour, les idées et les desseins de Mirabeau ne changent guère. Le Roi et la Reine sont « des prisonniers ». Il faut, d’abord, les délivrer ; les faire sortir de Paris ; les emmener à Fontainebleau ; c’est ce qu’il conseillait dès le mois d’octobre 1789 ; plus tard à Rouen, si l’on est sûr « que la Fayette puisse pousser jusque-là son armée ». Puis, à mesure que le danger grandit, il faut aller plus loin, jusqu’à Montmédy, jusqu’à Metz ; et l’on envoie le comte de Lamarck pour négocier avec Bouille, pour assurer au Roi, le moment venu, une garde plus solide que les milices de la Fayette, et un