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MIRABEAU.

pénétré des idées de fraternité universelle qui étaient la noble chimère de cet âge d’or ; une sorte de sermon laïque, écho majestueux de ce déisme vague et tranquille qui était, de père en fils, la religion domestique des Mirabeau.

Mais ce n’étaient là que les passe-temps et les désœuvrements de son éloquence. Dès qu’il put remonter à la tribune, il y revint avec ardeur. Il semblait n’en descendre qu’à regret, comme s’il sentait que bientôt il faudrait lui dire adieu pour toujours.

Frappé plus vivement chaque jour des dangers qui, chaque jour, menaçaient la France de plus près, il découvrait alors plus ouvertement la cause qu’il voulait défendre, le but qu’il voulait atteindre. Les occasions manquaient moins que jamais à son éloquence ; et, pendant le mois de mars 1791, qui devait être le dernier mois de sa vie, les événements sollicitaient presque sans relâche son activité.

Un jour, c’était une municipalité de province qui, dans son zèle imbécile, au nom du « salut public » menacé, arrêtait le carrosse des tantes du Roi et interrompait leur voyage. « On parle du salut du peuple ! s’écria Mirabeau avec dédain ; le salut du peuple n’est pas intéressé à ce que Mesdames couchent en route trois jours de plus. » Et il faisait ordonner à ces patriotes malencontreux de laisser passer des citoyennes inoffensives.

Peu de jours après, un comité déposait le projet de loi « contre les émigrants ». « Je ne ferai pas au