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MIRABEAU.

Dans cette grande attente et au milieu de ses cruelles souffrances, il semble que Mirabeau n’ait cherché qu’à bien mourir. Jusqu’à la fin il demeura maître de lui-même, réglant avec soin ses affaires en désordre, donnant aux amis qui l’entouraient des instructions et des conseils ; — attentif encore à sa renommée, et goûtant jusque dans la mort les dernières douceurs de son éphémère popularité.

Il mourut en philosophe, fidèle à la religion aisée de l’Encyclopédie, au déisme emphatique et commode de sa famille et de son temps. « Tu es un grand médecin, disait-il à Cabanis ; mais il est un médecin plus grand que toi, l’auteur du vent qui renverse tout, de l’eau qui pénètre et féconde tout, du feu qui vivifie ou décompose tout !… »

Jusqu’à la fin, les fumées de la politique hantèrent cette tête puissante, mêlées aux lourdes divagations de l’agonie, et chassées peu à peu par le souffle de la mort. « J’emporte avec moi le deuil de la monarchie ;… maintenant, les factieux vont s’en disputer les lambeaux !… »

Jusqu’à la fin aussi, l’orgueil ingénu de l’orateur et du tribun amenait sur ses lèvres des paroles sonores, échos douloureux de son éloquence d’hier, souvenirs superbes de ses triomphes et de ses ambitions d’autrefois : « Sont-ce déjà les funérailles d’Achille ? » disait-il, en entendant le bruit du canon dans le lointain.… Puis, une heure avant d’expirer, prenant la main de Cabanis, l’imagination toute pleine des grandes morts de l’antiquité : « Mon ami,