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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/228

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MIRABEAU.

élans et de sages projets ; mais il ne suffit pas de parler et d’écrire pour montrer qu’on peut agir et gouverner. S’il avait tenu dans ses mains le pouvoir, n’étant plus obsédé par le souci de le conquérir, je crois qu’il aurait fait de grandes choses. Mais le temps, l’occasion, la matière, l’action lui ont fait défaut ; et pour le considérer comme un grand politique, on ne peut pourtant pas compter tout ce qui lui a manqué pour le devenir.

Veut-on le juger par son œuvre ? La Révolution, qu’il n’a pas faite tout seul, mais dont il a été un des ouvriers les plus actifs, est loin d’être, elle-même, à l’heure où nous sommes, jugée sans retour. Naguère encore, tandis que des fêtes et des chants séculaires célébraient le centenaire de 1789, des esprits réfléchis et sincères, loin des fanfares, des cantates et des harangues, se demandaient si la France n’a pas payé trop cher cette grande aventure qui, après un court rêve de gloire, lui a valu, dans le monde affranchi par elle, tant de défaites, tant de désastres et tant d’ennemis. « La Révolution a-t-elle, en somme, fondé quelque chose et préparé l’avenir ? On ne le sait pas encore… », disait récemment un grand douteur qui a cependant beaucoup vécu avec les prophètes. S’il ne le sait pas, faisons comme lui : « suspendons notre jugement », et laissons à ceux qui viennent après nous le soin déjuger à leur tour.

Quant à Mirabeau, sa gloire durable, c’est d’avoir proclamé, d’une voix éclatante, tout ce que la Révolution apportait avec elle d’idées vraies et de senti-