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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/76

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MIRABEAU.

mières années qui ont été la rançon et l’honneur de leur faute, ils ne se sont demeurés fidèles que pendant le temps où ils étaient dans l’impuissance de ne pas l’être.

Il y a du moins une époque où l’on aimerait à s’arrêter avec eux ; où de durs et mutuels sacrifices relèvent et purifient leur amour ; où l’on voit éclater enfin dans l’intelligence de Mirabeau cette crise juvénile qui annonçait la puberté puissante de son génie.

Les deux amants avaient trouvé en Hollande un asile ; et, sauf les étreintes de la misère, ils s’y croyaient à l’abri de tous les dangers. Pendant près d’une année, logés à l’étroit dans une vieille maison d’Amsterdam, ils vécurent unis par la même tendresse, par les mêmes souffrances, et par ces illusions orgueilleuses qui, à défaut d’une plus sûre croyance, étaient pour eux les dieux inconnus de l’avenir.

C’est là que, sous l’aiguillon de la nécessité, changeant de tâche chaque matin, marchandant au jour le jour avec les courtiers et les libraires, sous des noms d’emprunt, le prix de son labeur et le salaire de ses veilles, Mirabeau a commencé cette effrayante production de brochures, de pamphlets, de livres et d’écrits de toute sorte qui, dès avant la Révolution l’avaient déjà rendu célèbre.

Trahis enfin par des imprudences inévitables, traqués par la police active du marquis de Mirabeau, livrés par le pays auquel ils étaient venus demander un asile, les deux exilés furent arrêtés le même jour