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MIRABEAU.

ait arrangé, sans qu’on voie clairement dans quel dessein, le roman falsifié de son amour.

Si ces lettres d’il y a cent ans ont encore pour nous quelque prix, ce n’est pas par l’attrait d’une passion plus bruyante que profonde ; c’est par le mouvement et la multitude des idées qui, pêle-mêle, jaillissent de cet esprit mobile ; c’est par les digressions qui, à chaque ligne, traversent cette rhétorique enflammée, et que soulève çà et là le souffle vivant de l’éloquence.

Dans les épanchements désordonnés d’une intimité qui n’a rien à taire, on peut entrevoir tout ce qu’était alors Mirabeau ; ce qu’il croyait, ce qu’il sentait, ce qu’il pensait sur toutes choses ; sur les affaires de ce monde, et de l’autre.

Ce qu’il croit ?… Rien ! Il est matérialiste résolu, tranquillement athée, sans tapage, sans violence, sans bravades. Dans l’Essai sur le despotisme, on le pouvait déjà pressentir. Ici, rien de plus clair ni de plus simple : la messe et le prêche, le talmud ou le coran, pour lui c’est tout un. « Je n’aurai jamais de querelle avec personne sur un sujet si peu important…. Celui qui ne croit rien en passe sans scrupule par tout ce que l’on veut, pour être tranquille, pourvu qu’on n’exige de lui que ces momeries qui ne font ni bien ni mal à personne. » Et ailleurs : « Au moment où nous finirons, tout notre être finira avec nous…. Pourquoi te faire un être fantastique, pour en obtenir le pardon de fautes que tu n’as pas commises ? »

Si on lui oppose tant de grands hommes qui ont