Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/220

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sidérer encore que du côté de l’amusement, peuvent être accordés aux hommes, du moins comme un jouet qu’on donne à des enfants qui souffrent. Mais ce n’est pas seulement un jouet qu’on a prétendu leur donner, ce sont des leçons utiles déguisées sous l’apparence du plaisir. Non-seulement on a voulu distraire de leurs peines ces enfants adultes ; on a voulu que ce théâtre, où ils ne vont en apparence que pour rire ou pour pleurer, devînt pour eux, presque sans qu’ils s’en aperçussent, une école de mœurs et de vertu. Voilà, monsieur, de quoi vous croyez le théâtre incapable ; vous lui attribuez même un effet absolument contraire, et vous prétendez le prouver.

Je conviens d’abord avec vous, que les écrivains dramatiques ont pour but principal de plaire, et que celui d’être utiles est tout au plus le second : mais qu’importe, s’ils sont en effet utiles, que ce soit leur premier ou leur second objet ? Soyons de bonne foi, monsieur, avec nous-mêmes, et convenons que les auteurs de théâtre n’ont rien en cela qui les distingue des autres. L’estime publique est le but principal de tout écrivain ; et la première vérité qu’il veut apprendre à ses lecteurs, c’est qu’il est digne de cette estime. En vain affecterait-il de la dédaigner dans ses ouvrages ; l’indifférence se tait, et ne fait point tant de bruit ; les injures même dites à une nation ne sont quelquefois qu’un moyen plus piquant de se rappeler à son souvenir. Et le fameux cynique de la Grèce eût bientôt quitté ce tonneau d’où il bravait les