Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/240

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du Médecin malgré lui pour aller au Misanthrope. Mais je crois en même temps avec vous que d’autres chefs-d’œuvre du même poète et de quelques autres, autrefois justement applaudis, auraient aujourd’hui plus d’estime que de succès ; notre changement de goût en est la cause ; nous voulons dans la tragédie plus d’action, et dans la comédie plus de finesse. La raison en est, si je ne me trompe, que les sujets communs sont presque entièrement épuisés sur les deux théâtres : et qu’il faut d’un côté plus de mouvement pour nous intéresser à des héros moins connus, et de l’autre plus de recherche et plus de nuance pour faire sentir des ridicules moins apparents.

Le zèle dont vous êtes animé contre la comédie, ne vous permet pas de faire grâce à aucun genre, même à celui où l’on se propose de faire couler nos larmes par des situations intéressantes, et de nous offrir dans la vie commune des modèles de courage et de vertu : autant vaudrait, dites-vous, aller au sermon. ce discours me surprend dans votre bouche. Vous prétendiez, un moment auparavant, que les leçons de la tragédie nous sont inutiles, parce qu’on n’y met sur le théâtre que des héros auxquels nous ne pouvons nous flatter de ressembler : et vous blâmez à présent les pièces où l’on n’expose à nos yeux que nos citoyens et nos semblables ; ce n’est plus comme pernicieux aux bonnes mœurs, mais comme insipide et ennuyeux que vous attaquez ce genre. Dites, monsieur, si vous le voulez, qu’il est le plus facile de tous ;