Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/253

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général dans vos concitoyens, que j’ai proposé l’établissement d’un théâtre dans leur ville, et j’ai peine à croire qu’ils se livrent avec autant de plaisir aux amusements que vous y substituez. On m’assure même que plusieurs de ces amusements, quoiqu’en simple projet, alarment déjà vos graves ministres ; qu’ils se récrient surtout contre les danses que vous voulez mettre à la place de la comédie, et qu’il leur paraît plus dangereux encore de se donner en spectacle que d’y assister.

Au reste, c’est à vos compatriotes seuls à juger de ce qui peut en ce genre leur être utile ou nuisible. S’ils craignent pour leurs mœurs les effets et les suites de la comédie, ce que j’ai déjà dit en sa faveur ne les déterminera point à la recevoir, comme tout ce que vous dites contre elle ne la leur fera pas rejeter, s’ils imaginent qu’elle puisse leur être de quelque avantage. Je me contenterai donc d’examiner en peu de mots les raisons que vous apportez contre l’établissement d’un théâtre à Genève, et je soumets cet examen au jugement et à la décision des Génevois.

Vous nous transportez d’abord dans les montagnes du Valais, au centre d’un petit pays dont vous faites une description charmante ; vous nous montrez ce qui ne se trouve peut-être que dans ce seul coin de l’univers, des peuples tranquilles et satisfaits au sein de leur famille et de leur travail ; et vous prouvez que la comédie ne serait propre qu’à troubler le bonheur dont ils jouissent. Personne, monsieur, ne prétendra le contraire ;