Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/128

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leurs bras, et leurs cœurs plutôt que leurs bras, au service de la patrie, soit pour sa défense dans les milices, soit pour ses commodités par des corvées dans les travaux publics.

Que le mot de corvée n’effarouche point des républicains : je sais qu’il est en abomination en France ; mais l’est-il en Suisse ? Les chemins s’y font aussi par corvées, et personne ne se plaint ; l’apparente commodité du payement ne peut séduire que des esprits superficiels, et c’est une maxime certaine que moins il y a d’intermédiaires entre le besoin et le service, moins le service doit être onéreux.

Sans oser déployer tout à fait ma pensée, sans donner ici les corvées et tous les travaux personnels des citoyens pour un bien absolu, je conviendrai si l’on veut, qu’il serait mieux que tout cela se fit en payant, si les moyens de payer n’introduisaient une infinité d’abus sans mesure et de maux plus grands, plus illimités que ceux qui peuvent résulter de cette contrainte, surtout quand celui qui l’impose est du même état que ceux qui sont imposés.

Au reste, pour que la contribution soit répartie avec égalité, il est juste que celui qui, n’ayant point de terres, ne peut payer la dîme sur leur produit, la paye du travail de ses bras ; ainsi les corvées doivent tomber spécialement sur l’ordre des aspirants. Mais des citoyens et des patriotes doivent les conduire au travail et leur en donner l’exemple ; que tout ce qui se fait pour le bien public soit toujours honorable ; que le magistrat même, occupé d’autres soins, montre que ceux-là ne sont pas au-dessous de lui, pomme ces consuls romains qui, pour donner l’exemple