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FRAGMENT

D’UN

ESSAI SUR LES LANGUES

Les langues sont faites pour être parlées, l’écriture ne sert que de supplément à la parole ; s’il y a quelques lan- gues qui ne soient qu’écrites et qu’on ne puisse parler, propres seulement aux sciences, elles ne sont d’aucun usage dans la vie civile. Telle est l’algèbre, telle eût été sans doute la langue universelle que cherchait Leibnitz. Elle eût probablement été plus commode à un métaphy- sicien qu’à un artisan. Le plus grand usage d’une langue étant donc dans la parole, le plus grand soin des grammai- riens devrait être d’en bien déterminer les modifications ; mais, au contraire, ils ne s’occupent presque uniquement que de l’écriture. Plus l’art d’écrire se perfectionne, plus celui de parler est négligé. On disserte sans cesse sur l’or- thographe, et à peine a-t-on quelques règles sur la pronon- ciation. Cela fait que la langue, en se perfectionnant dans