Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dû trouver mes discours mal liés et presque entièrement décousus, faute d’apercevoir le tronc dont je ne leur montrais que les rameaux. Mais c’en était assez pour ceux qui savent entendre, et je n’ai jamais voulu parler aux autres.

Cette méthode m’a mis dans le cas d’avoir souvent à répliquer à mes adversaires, soit pour résoudre des objections, soit pour étendre et éclaircir des idées qui en avaient besoin, soit pour achever de développer toutes les parties de mon système à mesure que les suffrages des sages m’assuraient l’attention publique. Je croyais, il est vrai, avoir suffisamment pourvu à toutes ces choses par mes réponses précédentes, au moins pour les lecteurs que j’avais en vue : mais, voyant au second discours de l’Académicien de Lyon qu’il ne m’a point encore entendu, j’aime mieux m’accuser de maladresse que lui de mauvaise volonté. Je vais donc tâcher de m’expliquer mieux ; et, puisqu’il est temps de parler à découvert, je vais vaincre enfin mon dégoût et écrire une fois pour le peuple.

L’ouvrage que je me propose d’examiner est rempli de sophismes agréables qui ont encore plus d’éclat que de subtilité, et qui, séduisant par un certain coloris de style et par les ruses d’une logique adroite, sont doublement dangereux pour la multitude. Je vais prendre des moyens tout contraires dans cette analyse ; et, suivant pas à pas les raisonnements de l’auteur avec autant d’exactitude qu’il me sera possible, j’emploierai uniquement dans cette discussion la simplicité et le zèle d’un ami de la vérité et de l’humanité, qui met toute sa gloire à rendre hommage à l’une, et tout son bonheur à être utile à l’autre.