Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/353

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DISCOURS ___________________________________________

Il m’importe que les détails de ma vie soient connus de quelqu’un qui aime la justice et la vérité et qui soit assez jeune pour devoir naturellement me survivre. Après de longues incertitudes, je me détermine à verser les secrets de mon cœur dans le nombre petit mais choisi d’hommes de bien qui m’écoutent. Je leur ferai mes confessions, et je les prie d’en recevoir le dépôt dans leur mémoire sans autre condition que d’en user durant ma vie pour vérifier, dans les occasions, ce que je leur aurai dit, et pour rendre, après ma mort, la justice qu’ils croiront devoir à ma mémoire, sans faveur et sans partialité.

J’entrepris, il y a dix ans, d’écrire mes confessions, dans toute la rigueur du terme. Après avoir poussé l’exécution de cette entreprise assez loin, je me suis vu forcé d’y renoncer ou du moins de la suspendre ; mais ce qui est fait suffit pour qu’on puisse porter un jugement éclairé et de moi et des gens à qui j’ai eu affaire, car, malheureusement, avec mes confessions, je suis forcé de faire celles d’autrui.