Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/425

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LETTRES INÉDITES. 509

affaire, je m’en irais, et tout serait dit. Si, au contraire, il voulait se prévaloir de la circonstance pour rétablir la subordination et soutenirson protégé, je vous réponds que son protégé tiendrait une contenance qui ne ferait point déshonneur à sa protection. Mais, tant qu’on ne me dira ni restez, ni allez-vous-en, je ne sais que faire, je ne puis prendre aucun parti bien décidé. J’ai pris en dégoût ce pays et ses arrogants ministres. Je

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puis,. s’il le faut, rester par devoir durant l’orage ; mais, quand il sera calmé, je veux m’en aller. Je balance entre deux choix : la Savoie, s’il se peut, et Venise ; car, pour l’Angleterre, elle est trop loin. Mon inclination est tout entière pour la Savoie ; mais cela ne dépend pas de moi. Il faudra voir ce que pourra faire M. de Couzié. Je ne me souviens pas si je lui ai recommandé le secret ; mais, si j y ai manqué, j’ai eu tort, car il est de la plus grande impor- tance. Pour mieux le couvrir, je voudrais laisser transpi- rer mystérieusement celui de Venise, car il est impossible qu’on ne sente pas que je veux m’en aller. Mon dessein même, en cas de retraite, est de côloyer le lac* et d’aller jusqu’en Valais, comme pour passer en Italie, puis de cou- per à droite dans les montagnes pour entrer par le val d’Aosteou la Tarentaise. Malheureusement je ne sais pas ces chemins-là, et je crains de m’instruire, de peur de don- ner des soupçons. J*aurai le temps de ruminer tout cela jusqu’à la belle saison, et peut-être seriez-vous à portée d’avoir là-dessus les lumières qui me manquent. Je suis extrêmement tenté de changer de nom ei de disparaître, pour le reste de mes jours, de dessus la face de la terre.

  • Le lac de Genève. [J^oie de r Éditeur,)