Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/43

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Les Corses se crurent sauvés ; ils ne doutèrent pas que l’Angleterre n’intervînt ; Paoli partagea cette illusion : mais le ministère anglais, inquiet de la fermentation qui se manifestait dans ses colonies d’Amérique, ne voulait pas la guerre : il se contenta des faibles explications qui lui furent données. Des clubs de Londres envoyèrent des armes et de l’argent. La cour de Sardaigne et quelques sociétés d’Italie donnèrent en secret des secours : mais c’étaient de faibles ressources contre l’armement redoutable qui se préparait en Provence.

« Le maréchal de Vaux partit pour la Corse : il eut sous ses ordres trente mille hommes. Les ports de cette île furent inondés de troupes. Les habitants se défendirent cependant pendant une partie de la campagne de 1769, mais sans espoir de succès ; la population était alors de cent cinquante mille hommes au plus. Trente mille étaient contenus par les forts et les garnisons des Français. Il restait vingt mille hommes en état de porter les armes, desquels il fallait ôter tous ceux qui appartenaient aux chefs qui avaient fait leur traité avec les agents du ministère français. Les Corses se battirent avec obstination au passage du Golo ; n’ayant pas eu le temps de couper le pont, qui était en pierre, ils se servirent des cadavres de leurs morts pour en former un retranchement. Paoli, acculé au sud de l’île, s’embarqua sur un bâtiment anglais, à Porto-Vecchio, débarqua à Livourne, traversa le continent et se rendit à Londres.

« Les vues du cabinet de Versailles étaient bienfaisantes. Il accorda aux Corses des états de province et diverses institutions utiles : on encouragea l’agriculture, on fit élever en France les enfants des principales familles. C’est en