Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/453

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LETTRES INÉDITES. 427

près, appelé à dire des vérités utiles et hardies, j’ai tou- jours évité soigneusement toute application particulière, et je me suis toujours tenu avec le plus grand soin dans la thèse générale, libre à tout homme qui raisonne. On m’ac- cusait d’avoir écrit un Livre des Princes contre le gouverne- ment de Berne. Par cela seul on devait conclure avec certitude que ce livre n’était pas de moi, et d’autant plus qu’on sait que le gouvernement de Berne est un de ceux de l’Europe que j’estime le plus ; car toutes les malhonnê- tetés que ces messieurs peuvent me faire ne changeront pas sur leur compte ma façon de penser, et mes opinions ne se règlent pas sur mes passions. En me chassant, ils ont fait une étourderie et une faute, puisqu’au contraire ils de- vaient être bien aise de s’assurer de moi ; mais où sont les •gouvernements qui ne font pas des fautes ? les hommes ne sont pas des dieux.

Mais, quelgue déterminé que je sois à n’écrire jamais contre aucun gouvernement, et bien moins contre celui-là, il peut m’arriver que j’aie à traiter des matières qui s’y i*apportent et dont, avec le désir de me chercher querelle, on tirerait des conséquences forcées, auxquelles je n’aurais pas songé, pour m’accuser de manquer à ma parole. Ne vois-je pas à tous les écrits qui se font contre moi que la plus aveugle fureur y tient lieu de raison ? Les Corses con- tinuent à me solliciter à leur proposer un plan de gou- vernement. Cela ne peut se faire sans discuter la matière. L’État dans lequel je puis me réfugier, et où l’on ne pensera pas comme on pense en Suisse, peut désirer d’employer ma plume ; je ne veux pas m’ôter le droit de lui complaire. Je sens mon état et j’ai pris mes résolutions ; j’espère les te- nir ; mais ne prévoyant pas les situations où la suite de mes