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Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/464

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438 LETTRES INÉDITES.

hommes, vous êtes bien du petit nombre de ceux sur qui je compterai toujours. Je me fais honneur de votre estime, et les soins que vous avez pris pour moi durant mon séjour à Chiswick me laissent une reconnaissance égale à mon so- lide attachement pour vous.

Que pensez-vous, monsieur, de Tinjustice avec laquelle votre public juge si légèrement un hommequ’il ne connaît point sur la foi de gens que leur manœuvre rend si mépri- sables qu’ils n’osent même se montrer à découvert ? J’au- rais cru qu’avant d’ôter Thonneur à un particulier, quel qu’il fût, on devait examiner mieux ceux qui le chargent, l’écouter dans ses défenses et l’avertir au moins qu’il est accusé. J’aurais cru qu’on devait juger du caractère et des mœurs d’un homme dans les pays où il a vécu, et non dans ceux où il vient pour la première fois, et je ne me serais pas attendu, après l’accueil éclatant et plein d’estime que je viens de recevoir à Paris, où j’ai passé ma vie, que la mésestime et le mépris m’attendaient à Londres, où jamais je n’avais été. Mon cher M. Rose, les malheureux sont malheureux partout. En France on les décrète, en Suisse on les lapide, en Angleterre on les déshonore ; c’est leur vendre cher l’hospitalité.

Passez-moi le premier mouvement d’une indignation trop légitime ; il sera court, je vous le promets. Je re- garde en cette occasion votre public comme un tas d’en- fants menés par un singe en masque*, et qui viennent me couvrir de boue : d’abord je m’en fâche, et bientôt j’en ris, surtout quand le singe est démasqué !

J’espère, monsieur, vous voir quelque jour en ce pays,

  • Hume. (Note de VÉdUeur.)