Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/54

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aujourd’hui, les Corses n’ont rien à craindre de Gênes ; je crois qu’ils n’ont rien à craindre non plus des troupes qu’on dit que la France y envoie ; et ce qui me confirme dans ce sentiment, est de voir un aussi bon patriote que vous me paraissez l’être rester, malgré l’envoi de ces troupes, au service de la puissance qui les donne. Mais, monsieur, l’indépendance de votre pays n’est point assurée tant qu’aucune puissance ne la reconnaît, et vous m’avouerez qu’il n’est pas encourageant pour un aussi grand travail, de l’entreprendre sans savoir s’il peut avoir son usage, même en le supposant bon.

Ce n’est point pour me refuser à vos invitations, monsieur, que je vous fais ces objections, mais pour les soumettre à votre examen et à celui de M. Paoli.

Je vous crois trop gens de bien, l’un et l’autre, pour vouloir que votre affection pour votre patrie me fasse consumer le peu de temps qui me reste à des soins qui ne seraient bons à rien.

Examinez donc, messieurs ; jugez vous-mêmes, et soyez sûrs que l’entreprise dont vous m’avez jugé digne ne manquera point par ma volonté.

Recevez, je vous prie, mes trés-humbles salutations.

P. S. — En relisant votre lettre, je vois, monsieur, qu’à la première lecture j’ai pris le change sur votre objet. J’ai cru que vous demandiez un corps complet de législation et je vois que vous demandez seulement une institution politique, ce qui me fait juger que vous avez déjà un corps de lois civiles, autre que le droit écrit, sur lequel il s’agit de calquer une forme de gouvernement qui s’y rapporte.

La tâche est moins grande, sans être petite, et il n’est