Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/80

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vain ou comme philosophe, je ne l’aurais pas fait paraître ; mais, ayant été écrit après l’Émile et avant les Confessions, on sait assez que Rousseau pouvait mieux faire. On y trouve ce feu qui l’animait toujours, lorsqu’il travaillait à assurer les droits des peuples.

Ces fragments paraissant si longtemps après les premières années de la Révolution de France, on ne pourra pas dire qu’ils y aient contribué. Les privilégiés d’alors, qui ont nécessité cette crise révolutionnaire, et qui en ont été les victimes, cherchent à se justifier, en accusant des maux qu’ils ont soufferts celui qui leur donnait les moyens de les éviter.

La Révolution de France a eu des causes qu’on a vainement signalées ; il n’est pas douteux que, si les Montesquieu, les Mabli, les Rousseau avaient été écoutés, le sang des Français n’aurait pas été versé par des Français.

Comment voulait-on que le pays le plus populeux de l’Europe, arrivé au plus haut degré de la civilisation, pût marcher avec un gouvernement gothique, où une caste privilégiée, moins nombreuse, moins éclairée que le reste de la nation, remplissait à elle seule non-seulement tous les emplois militaires, de judicature et ecclésiastiques, mais encore était exempte de l’impôt territorial, quoiqu’elle possédât la plus grande partie du territoire français. La haute noblesse était honteuse de n’être rien devant les ministres du roi, et d’être tout devant le peuple, dont elle ne partageait pas les charges.

Monsieur, que la France a eu le bonheur d’avoir pour roi, et des nobles dignes de l’être, voulaient et demandaient la réforme de ces indignes abus ; mais ils ne furent point écoutés par les gens de robe. Le peuple ne pouvant