Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/98

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États tous ces titres de marquis et de comtes, avilissants pour les simples citoyens. La loi fondamentale de votre institution doit être l’égalité. Tout doit s’y rapporter, jusqu’à l’autorité même, qui n’est établie que pour la défendre. Tout doit être égal par droit de naissance ; l’État ne doit accorder des distinctions qu’au mérite, aux vertus, aux services rendus à la patrie, et ces distinctions ne doivent pas être plus héréditaires que ne le sont les qualités sur lesquelles elles sont fondées. Nous verrons bientôt comment on peut graduer chez un peuple différents ordres, sans que la naissance et la noblesse y entrent pour rien. Tous fiefs, hommages, censés et droits féodaux ci- devant abolis le seront donc pour toujours, et l’Etat rachètera ceux qui subsistent encore, en sorte que tous titres et droits seigneuriaux demeurent éteints et supprimés dans toute l’île[1].

Pour que toutes les parties de l’Etat gardent entre elles, autant qu’il est possible, le même niveau que nous tâchons d’établir entre les individus, on réglera les bornes des districts, pièves et jurisdictions, de manière à diminuer l’extrême inégalité qui s’y fait sentir. La seule province de Bastia et de Nebbio contient autant d’habitants que les sept provinces de Capocorso, d’Alleria, de Porto-Vecchio, de Sarteno, de Vico, de Calvi et d’Algagliola. Celle d’Ajaccio en contient plus que les quatre qui l’avoisinent. Sans ôter entièrement les limites et bouleverser les ressorts, on peut, par quelques légers changements, modérer ces disproportions énormes. Par exemple, l’abolition des fiefs donne la facilité de former de ceux de Carani, de Brando

  1. Je vois, dans les divers mémoires qui m’ont été remis, que les Corses regrettent beaucoup leur noblesse et la destruction de leurs fiefs.
    (Note de l’Auteur.)