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Page:Rousseau - Beaux-arts, 1824.djvu/45

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ou avec effroi tout ce qu’on leur proposerait en ce genre. Il ne faut donc pas compter sur leur approbation  ; il faut même compter sur toute leur résistance dans l’établissement des nouveaux caractères, non pas comme bons ou comme mauvais en eux-mêmes, mais simplement comme nouveaux.

Je ne sais quel aurait été le sentiment particulier de Lully sur ce point, mais je suis presque sûr qu’il était trop grand homme pour donner dans ces petitesses ; Lully aurait senti que sa science ne tenait point à des caractères ; que ses sons ne cesseraient jamais d’être des sons divins quelques signes qu’on employât pour les exprimer, et qu’enfin, c’était toujours un service important à rendre à son art et au progrès de ses ouvrages, que de les publier dans une langue aussi énergique, mais plus facile à entendre, et qui par là deviendrait plus universelle, dût-il en coûter l’abandon de quelques vieux exemplaires, dont assurément il n’aurait pas cru que le prix fut à comparer à la perfection générale de l’art.

La malheur est que ce n’est pas à des Lully que nous avons à faire. Il est plus aisé d’hériter de sa science que de son génie. Je ne sais pourquoi la musique n’est pas amie du raisonnement, mais si ses élèves sont si scandalisés de voir un confrère réduire son art en principes, l’approfondir, et le traiter méthodiquement, à plus forte raison ne souffriraient-ils pas qu’on osât attaquer les parties mêmes de cet art.

Pour juger de la façon dont on y serait reçu, on n’a qu’à se rappeler combien il a fallu d’années de lutte et d’opiniâtreté pour substituer l’usage du si à ces grossières muances qui ne sont pas même encore abolies partout. On convenait bien que l’échelle était composée de sept sons différents, mais on ne pouvait se persuader qu’il fût avantageux de leur donner à chacun un nom particulier puisqu’on ne s’en était pas avisé jusques-là, et que la musique n’avait pas laissé que d’aller son train.

Toutes ces difficultés sont présentes à mon esprit avec toute la force qu’elles peuvent avoir dans celui des lecteurs. Malgré cela, je ne saurais croire qu’elles puissent tenir contre les vérités de démonstration que j’ai à établir. Que tous les systèmes qu’on a proposés en ce genre aient échoué jusqu’ici, je n’en suis point étonné : même à égalité d’avantages et de défauts