Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’ont point commencé par le pouvoir arbitraire, qui n’en est que la corruption, le terme extrême, & qui les ramene enfin à la seule loi du plus fort dont ils furent d’abord le remede ; mais encore que quand même ils auroient ainsi commencé, ce pouvoir étant par sa nature illégitime, n’a pu servir de fondement aux droits de la société, ni par conséquent a l’inégalité d’institution.

Sans entrer aujourd’hui dans les recherches qui sont encore à faire sur la nature du pacte fondamental de tout Gouvernement, je me borne, en suivant l’opinion commune, à considérer ici l’établissement du Corps politique comme un vrai contrat entre le peuple & les chefs qu’il se choisit ; contrat par lequel les deux parties s’obligent à l’observation des loix qui y sont stipulées & qui forment les liens de leur union. Le peuple ayant, au sujet des relations sociales, réuni toutes ses volontés en une seule, tous les articles sur lesquels cette volonté s’explique, deviennent autant de loix fondamentales qui obligent tous les membres de l’Etat sans exception, & l’une desquelles regle le choix & le pouvoir des Magistrats chargés de veiller à l’exécution des autres. Ce pouvoir s’étend à tout ce qui peut maintenir la constitution, sans aller jusqu’à la changer. On y joint des honneurs qui rendent respectables les loix & leurs Ministres, & pour ceux-ci personnellement des prérogatives qui les dédommagent des pénibles travaux que coûte une bonne administration. Le Magistrat, de son côté, s’oblige à n’user du pouvoir qui lui est confié que selon l’intention des commettans, à maintenir chacun dans la paisible jouissance de ce qui lui appartient,