Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/150

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rapports qu’on observe encore entre ses bras & les jambes antérieures des quadrupedes, & l’induction tirée de leur maniere de marcher, ont pu faire naître des doutes sur celle qui devoit nous être la plus naturelle. Tous les enfans commencent par marcher à quatre pieds, & ont besoin de notre exemple & de nos leçons pour apprendre à se tenir debout. Il y a même des nations sauvages, telles que les Hottentots, qui, négligeant beaucoup les enfans, les laissent marcher sur les mains ai long-tems qu’ils ont ensuite bien de la peine à les redresser ; autant en font les enfans des CaraÏbes des Antilles. Il y a divers exemples d’hommes quadrupedes ; & je pourrois entre autres citer celui de cet enfant qui fut trouvé en 1344 aupres de Hesse, où il avoit été nourri par des loups, & qui disoit depuis, à la cour du prince Henri, que, s’il n’eût tenu qu’a lui, il eût mieux aimé retourner avec eux que de vivre parmi les hommes. Il avoit tellement pris l’habitude de marcher comme ces animaux, qu’il falut lui attacher des pieces de bois qui le forçoient à se tenir debout & en équilibre sur eu deux pieds. Il en étoit de même de l’enfant qu’on trouva en 1694, dans les forets de Lithuanie, & qui vivoit parmi les ours. Il ne donnoit, dit M. de Condillac, aucune marque de raison, marchoit sur ses pieds & sur ses mains, n’avoit aucun langage, & formoit des sons qui ne ressembloient en rien à ceux d’un homme. Le petit sauvage d’Hanovre, qu’on mena il y a plusieurs années à la cour d’Angleterre, avoit toutes les peines du monde à s’assujettir à marcher sur deux pieds, & l’on trouva en 1719, deux autres sauvages dans les Pyrénées, qui couroient par les montagnes à la maniere des quadrupedes. Quant à ce qu’on pourroit objecter que c’est se priver de l’usage des mains dont nous tirons tant d’avantages ; outre que l’exemple des singes