Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

& surtout les Groenlandois sont fort au-dessous de la taille moyenne de l’homme ; on prétend même qu’il y a des peuples entiers qui ont des queues comme les quadrupedes ; & sans ajouter une foi aveugle aux relations d’Hérodote & de Ctésias, on en peut du moins tirer cette opinion très-vraisemblable, que si l’on avoit pu faire de bonnes observations dans ces tems anciens où les peuples divers suivoient des manieres de vivre plus différentes entr’elles qu’ils ne font aujourd’hui, on y auroit aussi remarqué, dans la figure & l’habitude du corps, des variétés beaucoup plus frappantes. Tous ces faits, dont il est aisé de fournir des preuves incontestables, ne peuvent surprendre que ceux qui sont accoutumés à ne regarder que les objets qui les environnent, & qui ignorent les puissans effets de la diversité des climats, de l’air, des alimens, de la maniere de vivre, des habitudes en général, & sur-tout la force étonnante des mêmes causes, quand elles agissent continuellement sur de longues suites de générations. Aujourd’hui que le commerce, les voyages & les conquêtes, réunissent davantage les peuples divers, & que leurs manieres de vivre se rapprochent sans cesse par la fréquente communication, on s’apperçoit que certaines différences nationales ont diminué, & par exemple, chacun peut remarquer que les François d’aujourd’hui ne sont plus ces grands corps blancs & blonds décrits par les historiens latins, quoique le tems joint au mélange des Francs & des Normands, blancs & blonds eux-mêmes, eût dû rétablir ce que la fréquentation des Romains avoit pu ôter à l’influence du climat, dans la constitution naturelle & le teint des habitants. Toutes ces observations sur les variétés que mille causes peuvent produire & ont produites en effet dans l’espece humaine, me font douter si divers animaux semblables aux hommes, pris par les voyageurs pour des bêtes