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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/197

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votre tête en est plus libre ; vous ne sauriez agir, mais vous parlez comme des oracles ; & si vos douleurs augmentent de jour en jour, votre Philosophie augmente avec elles. Plaignez cette jeunesse impétueuse que sa brutale santé prive des biens attachés à votre foiblesse. Heureuses infirmités qui rassemblent autour de vous tant d’habiles Pharmaciens fournis de plus de drogues que vous n’avez de maux, tant de savans Médecins qui connoissent à fond votre pouls, qui savent en grec les noms de tous vos rhumatismes , tant de zélés consolateurs & d’héritiers fideles qui vous conduisent agréablement à votre derniere heure. Que de secours perdus pour vous si vous n’aviez su vous donner les maux qui les ont rendus nécessaires" !

Ne pouvons nous pas imaginer qu’apostrophant ensuite notre imprudent avertisseur, ils lui parleroient à-peu-près ainsi :

"Cessez, déclamateur téméraire, de tenir ces discours impies. Osez-vous blâmer ainsi la volonté de celui qui a fait le genre-humain ? L’état de vieillesse ne découle-t-il pas de la constitution de l’homme ? N’est-il pas naturel à l’homme de vieillir ? Que faites-vous donc dans vos discours séditieux que d’attaquer une loi de la nature & par conséquent la volonté de son Créateur ? Puisque l’homme vieillit, Dieu veut qu’il vieillisse. Les faits sont-ils autre chose que l’expression de sa volonté ? Apprenez que l’homme jeune n’est point celui que Dieu a voulu faire, & que pour s’empresser d’obéir à ses ordres il faut se hâter de vieillir."

Tout cela supposé, je vous demande, Monsieur, si l’homme aux paradoxes doit se taire ou répondre, & dans ce dernier