Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/239

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liberté sont naturellement indépendantes d’elle. Il s’agit donc de bien distinguer les droits respectifs des Citoyens & du Souverain [1], & les devoirs qu’ont à remplir les premiers en qualité de sujets, du droit naturel dont ils doivent jouir en qualité d’hommes.

On convient que tout ce que chacun aliéne par le pacte social de sa puissance de ses biens de sa liberté, c’est seulement la partie de tout cela dont l’usage importe à la communauté, mais il faut convenir aussi que le Souverain seul est juge de cette importance.

Tous les services qu’un citoyen peut rendre à l’État, il les lui doit sitôt que le Souverain les demande ; mais le Souverain de son côté ne peut charger les sujets d’aucune chaine inutile à la communauté ; il ne peut pas même le vouloir : car sous la loi de raison rien ne se fait sans cause, non plus que sous la loi de nature.

Les engagemens qui nous lient au corps social ne sont obligatoires que parce qu’ils sont mutuels, & leur nature est telle qu’en les remplissant on ne peut travailler pour autrui sans travailler aussi pour soi. Pourquoi la volonté générale est elle toujours droite, & pourquoi tous veulent-ils constamment le bonheur de chacun d’eux, si ce n’est parce qu’il n’y a personne qui ne s’approprie ce mot chacun, & qui ne songe à lui-même en votant pour tous ? Ce qui prouve que l’égalité de droit & la notion de justice qu’elle produit

  1. (h) Lecteurs attentifs, ne vous pressez pas, je vous prie, de m’accuser ici de contradiction. Je n’ai pu l’éviter dans les termes, vû la pauvreté de la langue ; mais attendez.