Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/403

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les particuliers, & par son attention scrupuleuse à respecter les droits inviolables de tous les membres de l’Etat. Il n’y avoit rien de si sacré que la vie des simples citoyens ; il ne faloit pas moins que l’assemblée de tout le peuple pour en condamner un : le Sénat même ni les consuls, dans toute leur majesté, n’en avoient pu le droit, & chez le plus puissant peuple du monde, le crime & la peine d’un citoyen étoit une désolation publique ; aussi parut-il si dur d’en verser le sang pour quelque crime que ce pût être, que par la loi Porcia la peine de mort fut commuée en celle de l’exil, pour tous ceux qui voudroient survivre à la perte d’une si douce patrie. Tout respiroit à Rome & dans les armées cet amour des concitoyens les uns pour les autres, & ce respect pour le nom Romain qui élevoit le courage & animoit la vertu de quiconque avoit l’honneur de le porter. Le chapeau d’un citoyen délivré d’esclavage, la couronne civique de celui qui avoit sauvé la vie à un autre, étoient ce qu’on regardoit avec le plus de plaisir dans la pompe des triomphes ; & il est à remarquer que des couronnes dont on honoroit à la guerre les belles actions, il n’y avoit que la civique & celle des triomphateurs qui fussent d’herbe & de feuilles, toutes les autres n’étoient que d’or. C’est ainsi que Rome fut vertueuse, & devint la maîtresse du monde. Chefs ambitieux ! Un pâtre gouverne ses chiens & ses troupeaux, & n’est que le dernier des hommes. S’il est beau de commander, c’est quand ceux qui nous obéissent peuvent nous honorer : respectez donc vos concitoyens, & vous vous rendrez respectables ; respectez la liberté, & votre puissance augmentera tous