Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/437

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tous ces beaux Gouvernemens si sagement pondérés, tombés en décrépitude menacent d’une mort prochaine ; & la Pologne, cette région dépeuplée, dévastée, opprimée, ouverte à ses agresseurs, au fort de ses malheurs & de son anarchie, montre encore tout le feu de la jeunesse ; elle ose demander un Gouvernement & des lois, comme si elle ne faisoit que de naître. Elle est dans les fers, & discute les moyens de se conserver libre ! elle sent en elle cette force que celle de la tyrannie ne peut subjuguer. Je crois voir Rome assiégée régir tranquillement les terres sur lesquelles son ennemi venoit d’asseoir son camp. Braves Polonois, prenez garde, prenez garde que pour vouloir trop bien être vous n’empiriez votre situation. En songeant à ce que vous voulez acquérir n’oubliez pas ce que vous pouvez perdre. Corrigez, s’il se peut, les abus de votre constitution ; mais ne méprisez pas celle qui vous a faits ce que vous êtes.

Vous aimez la liberté, vous en êtes dignes ; vous l’avez défendue contre un agresseur puissant & rusé, qui, feignant de vous présenter les liens de l’amitié, vous chargeoit des fers de la servitude. Maintenant, las des troubles de votre patrie, vous soupirez après la tranquillité. Je crois fort aisé de l’obtenir ; mais la conserver avec la liberté, voilà ce qui me paroît difficile. C’est au sein de cette anarchie qui vous est odieuse que se sont formées ces ames patriotiques qui vous ont garantis du joug. Elles s’endormoient dans un repos léthargique ; l’orage les a réveillées. Après avoir brisé les fers qu’on leur destinoit, elles sentent le poids de la fatigue. Elles voudroient allier la paix du despotisme aux douceurs de la liberté. J’ai peur