Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/462

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que rien. Si l’on compte le Sénat pour un ordre dans l’Etat, pourquoi ne compte-t-on pas aussi pour tel la chambre des Nonces qui n’est pas moins distincte & qui n’a pas moins d’autorité ? Bien plus ; cette division, dans le sens même qu’on la donne est évidemment incomplète : car il y faloit ajouter les ministres, qui ne sont ni Rois ni Sénateurs ni Nonces, & qui, dans la plus grande indépendance n’en sont pas moins dépositaires de tout le pouvoir exécutif. Comment me fera-t-on jamais comprendre que la partie qui n’existe que par le tout, forme pourtant par rapport au tout un ordre indépendant de lui ? La Pairie en Angleterre, attendu qu’elle est héréditaire, forme je l’avoue, un ordre existant par lui-même. Mais en Pologne ôtez l’ordre Equestre, il n’y a plus de Sénat, puisque nul ne peut être Sénateur s’il n’est premiérement noble Polonois. De même il n’y a plus de Roi, puisque c’est l’ordre Equestre qui le nomme, & que le Roi ne peut rien sans lui : mais ôtez le Sénat & le Roi, l’ordre Equestre & par lui l’Etat & le Souverain demeurent en leur entier ; & dès demain s’il lui plaît, il aura un Sénat & un Roi comme auparavant.

Mais pour n’être pas un ordre dans l’Etat, il ne s’ensuit pas que le Sénat n’y soit rien, & quand il n’auroit pas en Corps le dépôt des loix, ses membres indépendamment de l’autorité du Corps, ne le seroient pas moins de la puissance législative, & ce seroit leur ôter le droit qu’ils tiennent de leur naissance que de les empêcher d’y voter en pleine Diete toutes les fois qu’il s’agit de faire ou de révoquer des loix : mais ce n’est plus alors comme sénateurs qu’ils votent, c’est simplement comme citoyens. Si-tôt que la puissance législative parle,