Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/498

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il est des maux extrêmes qui rendent les remedes violens nécessaires, & dont il faut tâcher de guérir à tout prix. La confédération est en Pologne ce qu’étoit la dictature chez les Romains. L’une & l’autre font taire les loix dans un péril pressant, mais avec cette grande différence que la dictature, directement contraire à la législation Romaine & à l’esprit du Gouvernement a fini par le détruire, & que les confédérations, au contraire, n’étant qu’un moyen de raffermir & rétablir la constitution ébranlée par de grands efforts, peuvent tendre & renforcer le ressort relâché de l’Etat, sans pouvoir jamais le briser. Cette forme fédérative qui peut-être dans son origine eut une cause fortuite, me paroît être un chef-d’œuvre de politique. Par-tout où la liberté regne elle est incessamment attaquée & très-souvent en péril. Tout Etat libre où les grandes crises n’ont pas été prévues est à chaque orage en danger de périr. Il n’y a que les Polonois qui de ces crises mêmes aient su tirer un nouveau moyen de maintenir la constitution. Sans les confédérations il y a long-tems que la République de Pologne ne seroit plus, & j’ai grand’peur qu’elle ne dure pas long-tems après elles, si l’on prend le parti de les abolir. Jettez les yeux sur ce qui vient de se passer. Sans les confédérations l’Etat étoit subjugué ; la liberté étoit pour jamais anéantie. Voulez-vous ôter à la République la ressource qui vient de la sauver ?

Et qu’on ne pense pas que quand le liberum veto sera aboli & la pluralité rétablie, les confédérations deviendront inutiles, comme si tout leur avantage consistoit dans cette pluralité. Ce n’est pas la même chose. La puissance exécutive attachée