Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/65

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PREMIERE PARTIE.

Quelque important qu’il soit, pour bien juger de l’état naturel de l’homme, de le considérer des son origine, & de l’examiner, pour ainsi dire, dans le premier embryon de l’espece, je ne suivrai point son organisation à travers ses développemens successifs : je ne m’arrêterai pas à rechercher dans le systeme animal ce qu’il put être au commencement, pour devenir enfin ce qu’il est. Je n’examinerai pas si, comme le pense Aristote, ses ongles alongés ne furent point d’abord des griffes crochues ; s’il n’étoit point velu comme un ours, & si, marchant à quatre pieds, (note 3) ses regarde dirigés vers la terre, & bornés à un horizon de quelques pas, ne marquoient point à la fois le caractere & les limites de ses idées. Je ne pourrois former sur ce sujet que des conjectures vagues & presque imaginaires. L’anatomie comparée a fait encore trop peu de progres, les observations des Naturalistes sont encore trop incertaines, pour qu’on puisse établir sur de pareils fondemens la base d’un raisonnement solide ; ainsi, sans avoir recours aux connoissances surnaturelles que nous avons sur ce point, & sans avoir égard aux changemens qui ont dû survenir dans la conformation, tant intérieure qu’extérieure, de l’homme, à mesure qu’il appliquoit ses membres à de nouveaux usages, & qu’il se nourrissoit de nouveaux alimens, je le supposerai conformé de tout tems comme je le vois aujourd’hui, marchant à deux pieds, se servant de ses mains comme