Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/70

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ou nourrir leurs petits. Il est vrai que si la femme vient à périr, l’enfant risque fort de périr avec elle ; mais ce danger est commun à cent autres especes, dont les petits ne sont de long-tems en état d’aller chercher eux-mêmes leur nourriture ; & si l’enfance est plus longue parmi nous, la vie étant plus longue aussi, tout est encore à-peu-pres égal en ce point,(note 7) quoiqu’il y ait sur la durée du premier âge, & sur le nombre des petits,(note 8) d’autres regles, qui ne sont pas de mon sujet. Chez les vieillards, qui agissent & transpirent peu, le besoin d’alimens diminue avec la faculté d’y pourvoir ; & comme la vie sauvage éloigne d’eux la goutte & les rhumatismes, & que la vieillesse est de tous les maux celui que les secours humains peuvent le moins soulager, ils s’éteignent enfin, sans qu’on s’apperçoive qu’ils cessent d’être, & presque sans s’en appercevoir eux-mêmes.

À l’égard des maladies, je ne répéterai point les vaines & fausses déclamations que font contre la médecine la plupart des gens en santé ; mais je demanderai s’il y a quelque observation solide de laquelle on puisse conclure que dans les pays où cet art est le plus négligé, la vie moyenne de l’homme soit plus courte que dans ceux où il est cultivé avec le plus de soin. Et comment cela pourroit-il être, si nous nous donnons plus de maux que la médecine ne peut nous fournir de remedes ! L’extrême inégalité dans la maniere de vivre, l’exces d’oisiveté dans les uns, l’exces de travail dans les autres, la facilité d’irriter & de satisfaire nos appétits & notre sensualité, les alimens trop recherchés des riches, qui les nourrissent de sucs échauffans & les accablent d’indigestions,