Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/119

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des témoins en quelque nombre qu’ils puissent être n’a de poids qu’après leur confrontation. De cette action & réaction & du choc de ces intérêts opposes doit naturellement sortir aux yeux du juge la lumière de la vérité, c’en est du moins le meilleur moyen qui soit en sa puissance. Mais si l’un de ces intérêts agit seul avec toute sa forcé & que le contrepoids de l’autre manque, comment l’équilibre restera-t-il dans la balance ? Le juge, que je veux supposer tranquille impartial, uniquement anime de l’amour de la justice, qui communément n’inspire pas de grands efforts pour l’intérêt d’autrui, comment s’assurera-t-il d’avoir bien pèse le pour & le contre, d’avoir bien pénétré par lui seul tous les artifices de l’accusateur, d’avoir bien démêlé des faits exactement vrais ceux qu’il controuvé, qu’il altere, qu’il colore à sa fantaisie, d’avoir même devine ceux qu’il tait & qui changent l’effet de ceux qu’il exposé ? Quel est l’homme audacieux qui, non moins sûr de sa pénétration que de sa vertu, s’ose donner pour ce juge-la ? Il faut pour remplir avec tant de confiance un devoir si téméraire qu’il se fente l’infaillibilité d’un Dieu.

Que seroit-ce si, au lieu de supposer, ici un juge parfaitement integre & sans passion, je le supposois anime d’un désir secret de trouver l’accuse coupable, & ne cherchant que des moyens plausibles de justifier sa partialité à ses propres yeux ?

Cette seconde supposition pourroit avoir plus d’une application dans le cas particulier qui nous occupe : mais n’en cherchons point d’autre que la célébrité d’un Auteur donc les succès passes blessent l’amour-propre de ceux qui n’en peuvent obtenir de pareils. Tel applaudit à la gloire d’un homme qu’il