Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/291

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& des autres ; il est tout pour lui-même, il est aussi tout pour eux : car quant à eux ils ne sont rien, ni pour lui, ni pour eux-mêmes, & pourvu que J. J. soit misérable, ils n’ont besoin d’autre bonheur. Ainsi ils ont, eux & lui chacun de leur cote deux grandes expériences à faire ; eux, de toutes les peines est possible aux hommes d’accumuler dans l’ame d’un innocent, & lui, de toutes les ressources que l’innocence peut tirer d’elle seule pour les supporter. Ce qu’il y a d’impayable dans tout cela est d’entendre vos besoins Messieurs, se lamenter au milieu de leurs horribles trames du mal que fait la haine à celui qui s’y livre, & plaindre tendrement leur ami J. J. d’être la proie d’un sentiment aussi tourmentant.

Il faudroit qu’il fut insensible ou stupide pour ne pas voir & sentir son état ; mais il s’occupe trop peu de ses peines pour s’en affecter beaucoup. Il se console avec lui-même des injustices des hommes ; en rentrant dans son cœur il y trouve des dédommagemens bien doux. Tant qu’il est seul il est heureux, & quand le spectacle de la haine le navre, ou quand le mépris & la dérision l’indignent, c’est un mouvement passage qui cesse aussi-tôt que l’objet qui l’excite à disparu. Ses émotions sont promptes & vives mais rapides & peu durables, & cela se voir. Son cœur transparent comme le cristal ne peut rien cacher de ce qui s’y passe ; chaque mouvement qu’il éprouve se transmet à ses yeux & sur son visage. On voit quand &-comment il s’agite ou se calme ; quand & comment il s’irrite ou s’attendrit, & si-tôt que ce qu’il voit ou ce qu’il entend l’affecte, il lui est impossible d’en retenir ou dissimuler un moment l’impression. J’ignore comment il pût s’y prendre pour