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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/143

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efforts pour en réveiller l’enthousiasme & l’amour dans les cœurs montrerent son but, autant qu’il étoit possible, pour ne pas effaroucher les Romains. Mais ses vils & lâches compatriotes au lieu de l’écouter le prirent en haine, précisément à cause de son génie & de sa vertu qui leur reprochoient leur indignité. Enfin ce ne fut qu’après avoir vu l’impossibilité d’exécuter son projet qu’il l’étendit dans sa tête, & que, ne pouvant faire par lui-même une révolution chez son peuple, il voulut en faire une par ses disciples dans l’univers. Ce qui l’empêcha de réussir dans son premier plan, outre la bassesse de son peuple incapable de toute vertu, fut la trop grande douceur de son propre caractere ; douceur qui tient plus de l’ange & du Dieu que de l’homme, qui ne l’abandonna pas un instant, même sur la croix, & qui fait verser des torrens de larmes à qui sait lire sa vie comme il faut, à travers les fatras dont ces pauvres gens l’ont défigurée. Heureusement ils ont respecté & transcrit fidellement ses discours qu’ils n’entendoient pas ; ôtez quelques tours orientaux ou mal rendus, on n’y voit pas un mot qui ne soit digne de lui, & c’est-là qu’on reconnoît l’homme divin, qui, de si piétres disciples, a fait pourtant dans leur grossier mais fier enthousiasme, des hommes éloquens & courageux.

Vous m’objectez qu’il a fait des miracles. Cette objection seroit terrible si elle étoit juste. Mais vous savez, Monsieur, ou du moins vous pourriez savoir que, selon moi, loin que Jésus ait fait des miracles, il a déclaré très-positivement qu’il n’en seroit point, & a marqué un très-grand mépris pour ceux qui en demandoient.

Que de choses me resteroient à dire ! Mais cette lettre est