Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/315

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Tout le pays est plein de curiosités naturelles qu’on ne découvre que peu à peu, & qui par ces découvertes successives lui donnent chaque jour l’attrait de la nouveauté. La Botanique offre ici ses trésors à qui sauroit les connoître, & souvent en voyant autour de moi cette profusion de plantes rares, je les foule à regret sous le pied d’un ignorant. Il est pourtant nécessaire d’en connoître une pour se garantir de ses terribles effets ; c’est le Napel. Vous voyez une très-belle plante haute de trois pieds, garnie de jolies fleurs bleues qui vous donnent envie de la cueillir : mais à peine l’a-t-on gardée quelques minutes qu’on se sent saisi de maux de tête, de vertiges, d’évanouissemens, & l’on périroit si l’on ne jettoit promptement ce funeste bouquet. Cette plante a souvent causé des accidens à des enfans & à d’autres gens qui ignoroient sa pernicieuse vertu. Pour les bestiaux ils n’en approchent jamais & ne broutent pas même l’herbe qui l’entoure. Les faucheurs l’extirpent autant qu’ils peuvent ; quoi qu’on faire l’espece en reste, & je ne laisse pas d’en voir beaucoup en me promenant sur les montagnes, mais on l’a détruite à-peu-près dans le vallon.

À une petite lieue de Motiers, dans la Seigneurie de Travers, est une mine d’asphalte qu’on dit qui s’étend sous tout le pays : les habitans lui attribuent modestement la gaîté dont ils se vantent, & qu’ils prétendent se transmettre même à leurs bestiaux. Voilà sans doute une belle vertu de ce minéral, mais pour en pouvoir sentir l’efficace il ne faut pas avoir quitté le château de Montmorenci. Quoi qu’il en soit des merveilles qu’ils disent de leur asphalte, j’ai donné au Seigneur de Travers un