Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/317

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qui fait mettre des proportions & de l’harmonie dans ses ouvrages les moins réguliers. Instruit de la situation de cette grotte, je m’y rendis seul l’été dernier pour la contempler à mon aise. L’extrême sécheresse me donna la facilité d’y entrer par une ouverture enfoncée & très-surbaissée, en me traînant sur le ventre car la fenêtre est trop haute pour qu’on puisse y passer sans échelle. Quand je fus au dedans je m’assis sur une pierre, & je me mis à contempler avec ravissement cette superbe salle dont les ornemens sont des quartiers de roche diversement situés, & formant la décoration la plus riche que j’aye jamais vue, si du moins on peut appeller ainsi celle qui montre la plus grande puissance, celle qui attache & intéresse, celle qui fait penser, qui élevé l’ame, celle qui force l’homme à oublier sa petitesse pour ne penser qu’aux œuvres de la nature. Des divers rochers qui meublent cette caverne, les uns, détachés & tombés de la voûte, les autres encore pendans & diversement situés marquent tous dans cette mine naturelle, l’effet de quelque explosion terrible dont la cause paroît difficile à imaginer, car même un tremblement de terre ou un volcan n’expliqueroit pas cela d’une maniere satisfaisante. Dans le fond de la grotte, qui va en s’élevant de même que sa voûte, on monte sur une espece d’estrade & de-là par une pente assez roide sur un rocher qui mene de biais à un enfoncement très-obscur par où l’on pénetre sous la montagne. Je n’ai point été jusques-là, ayant trouvé devant moi un trou large & profond qu’on ne sauroit franchir qu’avec une planche. D’ailleurs vers le haut de cet enfoncement & presque à l’entrée de la galerie souterraine