Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/327

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scandalisé pour vous les gens austeres, pardonnez-moi quelques déraisonnemens sur un art duquel j’ai si bien mérité.

Quelque autorité cependant qu’aient sur moi vos décisions, je tiens encore un peu, je l’avoue, à la diversité des caracteres dont je proposois l’introduction dans la danse. Je ne vois pas bien encore ce que vous y trouvez d’impraticable, & il me paroît moins évident qu’à vous, qu’on s’ennuyeroit davantage quand les danses seroient plus variées. Je n’ai jamais trouvé que ce fût un amusement bien piquant pour une assemblée, que cette enfilade d’éternels menuets par lesquels on commence & poursuit un bal, & qui ne disent tous que la même chose, parce qu’ils n’ont tous qu’un seul caractere ; au lieu qu’en leur en donnant seulement deux, tels par exemple, que ceux de la Blonde & de la Brune, on les eût pu varier de quatre manieres qui les eussent rendus toujours pittoresques, & plus souvent intéressans. La Blonde avec le Brun, la Brune avec le Blond, la Brune avec le Brun, & la Blonde avec le Blond. Voilà l’idée ébauchée ; il est aisé de la perfectionner & de l’étendre : car vous comprenez bien, Monsieur, qu’il ne faut pas presser ces différences de Blonde & de Brune ; le teint ne décide pas toujours du tempérament : telle Brune est Blonde par l’indolence ; telle Blonde est Brune par la vivacité ; & l’habile Artiste ne juge pas du caractere par les cheveux.

Ce que je dis du menuet, pourquoi ne le dirois-je pas des contredanses, & de la plate symétrie sur laquelle elles sont dessinées ? Pourquoi n’y introduiroit-on pas de savantes irrégularités, tomme dans une bonne décoration ; des oppositions & des contrastes comme dans les parties de la Musique ?