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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/335

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Cher Papa, quand je serai Roi je ne manquerai pas en superbe monarque, de vous offrir mon portrait enrichi de diamans. En attendant je n’irai pas sottement m’imaginer que ni vous, ni personne, soit empressé de ma mince figure ; & il n’y a qu’un témoignagne bien positif de la part de ceux qui s’en soucient, qui puisse me permettre de le supposer ; sur-tout n’ayant pas le passeport des diamans pour accompagner le portrait.

Vous me citez Samuel Bernard. C’est je vous l’avoue un singulier modele que vous me proposez à imiter ! J’aurois bien cru que vous me desiriez ses millions, mais non pas ses ridicules. Pour moi je serois bien fâché de les avoir avec sa fortune ; elle seroit beaucoup trop chere à ce prix. Je sais qu’il avoit l’impertinence d’offrir son portrait, même à gens fort au-dessus de lui. Aussi entrant un jour en maison étrangere, dans la garderobe, y trouva-t-il ledit portrait qu’il avoit ainsi donné, fiérement étalé au-dessus de la chaise percée. Je sais cette anecdote & bien d’autres plus plaisantes de quelqu’un qu’on en pouvoir croire, car c’étoit le Président de Boulainvilliers.

Monsieur * * *. donnoit son portrait ? Je lui en fais mon compliment. Tout ce que je fais, c’est que si ce portrait est l’estampe fastueuse que j’ai vue avec des vers pompeux au-dessous, il falloit que pour oser faire un tel présent lui-même, ledit Monsieur fût le plus grand fat que la terre ait porté. Quoi il en soit, j’ai vécu aussi quelque peu avec des gens à portraits, & à portraits recherchables : je les ai vus tous avoir d’autres maximes, & quand je ferai tant que de vouloir imiter