Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

je prends enfin le parti que l’honneur & la raison me prescrivent, quelque cher qu’il en coûte à mon cœur.

Je vous déclare donc, Monsieur, & je vous prie de déclarer au magnifique Conseil, que j’abdique à perpétuité mon droit de Bourgeoisie & de Cité dans la ville & république de Geneve. Ayant rempli de mon mieux les devoirs attachés à ce titre, sans jouir d’aucun de ses avantages, je ne crois point être en reste avec l’Etat en le quittant. J’ai tâché d’honorer le nom Genevois ; j’ai tendrement aimé mes compatriotes ; je n’ai rien oublié pour me faire aimer d’eux ; on ne sauroit plus mal réussir ; je veux leur complaire jusques dans leur haine. Le dernier sacrifice qui me reste à faire, est celui d’un nom qui me fut si cher. Mais, Monsieur, ma Patrie, en me devenant étrangere, ne peut me devenir indifférente ; je lui reste attaché par un tendre souvenir, & je n’oublie d’elle que ses outrages. Puisse-t-elle prospérer toujours, & voir augmenter sa gloire ! Puisse-t-elle abonder en citoyens meilleurs, & sur-tout plus heureux que moi !

Recevez, je vous prie, Monsieur, les assurances de mon profond respect.

LETTRE À M. MARC CHAPPUIS.

Motiers le 26 Mai 1763.

Je vois, Monsieur, par la lettre dont vous m’avez honoré le18 de ce mois, que vous me jugez bien légérement dans mes