Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/454

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Du reste, quoique je trouve les demandes que vous avez faites en mon nom un peu fortes, je suis fort d’avis, puisqu’elles sont faites, qu’il n’en soit rien rabattu.

Je vous reconnois bien, Monsieur, dans l’arrangement que vous me proposez au défaut de celui-là ; mais quoique j’en sois pénétré de reconnoissance, je me reconnoîtrois peu moi-même, si je pouvois l’accepter sur ce pied-là. Toutefois j’y vois une ouverture pour sortir, avec votre aide, d’un furieux embarras où je suis. Car, dans l’état précaire où sont ma santé & ma vie, je mourrois dans une perplexité bien cruelle, en songeant que je laisse mes papiers, mes effets & ma gouvernante à la merci d’un inconnu. Il y aura bien du malheur, si l’intérêt que vous voulez bien prendre à moi, & la confiance que j’ai en vous, ne nous amenent pas à quelque arrangement qui contente votre cœur sans faire souffrir le mien. Quand vous serez une fois mon dépositaire universel, je serai tranquille ; & il me semble que le repos de mes jours m’en sera plus doux, quand je vous en serai redevable. Je voudrois seulement qu’au préalable nous pussions faire une connoissance encore plus intime. J’ai des projets de voyage pour cet été. Ne pourrions-nous en faire quelqu’un ensemble ? Votre bâtiment vous occupera-t-il si fort, que vous ne puissiez le quitter quelques semaines, même quelques mois, si le cas y échéoit ? Mon cher Monsieur, il faut commencer par beaucoup se connoître, pour savoir bien ce qu’on fait quand on se lie. Je m’attendris à penser qu’après une vie si malheureuse, peut-être trouverai-je encore des jours sereins près de vous, & que peut-être une chaîne de traverses m’a-t-elle conduit à l’homme que la providence