Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/478

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pays, pour chercher la tranquillité & pour l’y laisser. Il approuve ces raisons, & il est comme moi, d’avis que j’en sorte : ainsi, Monsieur, c’est un parti pris, avec regret, je vous le jure ; mais irrévocablement. Assurément tous ceux qui ont des bontés pour moi ne peuvent désapprouver que, dans le trille état où je suis, j’aille chercher une terre de paix pour y déposer me os. Avec plus de vigueur & de santé je consentirois à faire face à mes persécuteurs pour le bien public : mais accablé d’infirmités, & de malheurs sans exemple, je suis peu propre à jouer un rôle, & il y auroit de la cruauté à me l’imposer. Las de combats & de querelles, je n’en peux plus supporter. Qu’on me laisse aller mourir en paix ailleurs, car ici cela n’est pas possible, moins par la mauvaise humeur des habitans, que par le trop grand voisinage de Geneve, inconvénient qu’avec la meilleure volonté du monde, il ne dépend pas d’eux de lever.

Ce parti, Monsieur, étant celui auquel on vouloir me réduire, doit naturellement faire tomber toute démarche ultérieure pour m’y forcer. Je ne suis point encore en état de me transporter, & il me faut quelque tems pour mettre ordre à mes affaires, durant lequel je puis raisonnablement espérer qu’on ne me traitera pas plus mal qu’un Turc, un Juif, un Payen, un Athée & qu’on voudra bien me laisser jouir, pour quelques semaines, de l’hospitalité qu’on ne refuse à aucun étranger. Ce n’est pas, Monsieur, que je veuille désormais me regarder comme tel ; au contraire, l’honneur d’être inscrit parmi les citoyens du pays, me sera toujours précieux par lui-même, encore plus par la main dont il me vient, & je mettrai toujours au rang de mes premiers devoirs le zele & la fidélité que je dois