Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/483

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pour daigner me tolérer dans la sienne. Cependant, M. de P*****. appelle cela le pays le plus libre de la terre. À la bonne heure, mais cette liberté-là n’est pas de mon goût. M. de P*****. sait que je ne veux plus rien avoir à faire avec les Ministres ; il me l’a conseillé lui-même ; il sait que naturellement je suis désormais dans ce cas avec celui-ci ; il sait que le Conseil d’Etat m’a exempté de la jurisdiction de son Consistoire ; par quelle étrange maxime veut-il que je m’aille refourer tout exprès sous la jurisdiction d’un autre Consistoire dont le Conseil d’Etat ne m’a point exempté, & sous celle d’un autre Ministre qui me tracassera plus poliment sans doute, mais qui me tracassera toujours ; voudra poliment savoir comme je pense, & que poliment j’enverrai promener ? Si j’avois une habitation à choisir dans ce pays, ce seroit celle-ci, précisément par la raison qu’on veut que j’en sorte. J’en sortirai donc puisqu’il le faut ; mais ce ne sera surement pas pour aller à Couvet.

Quant à la lettre que vous jugez à propos que j’écrive pour promettre le silence pendant mon séjour en Suisse, j’y consens. Je desirerois seulement que vous me fissiez l’amitié de m’envoyer le modele de cette lettre que je transcrirai exactement, & de me marquer à qui je dois l’adresser. Garrottez-moi si bien que je ne puisse plus remuer ni pied ni patte ; voilà mon cœur & mes mains dans les liens de l’amitié. Je suis très-déterminé à vivre en repos si je puis, & à ne plus rien écrire quoi qu’il arrive, si ce n’est ce que vous savez, & pour la Corse, s’il le faut absolument, & que je vive assez pour cela. Ce qui me fâche, encore un coup, c’est d’aller offrant cette promesse de porte en porte, jusqu’à ce qu’il se trouve quelqu’un qui la daigne