Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/489

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assemblée, qu’il n’y avoit qu’une seule chose qui la scandalisât dans tous mes écrits ; c’étoit l’éloge de M. de Montmollin. Les suites de cette affaire m’occupent extrêmement. M. Andrié m’est arrivé de Berlin, de la part de Mylord Maréchal. Il me survient de toutes parts des multitudes de visites. Je songe à déménager de cette maudite paroisse pour aller m’établir près de Neufchâtel où tout le monde a la bonté de me desirer. Par dessus tous ces tracas, mon triste état ne me laisse point de relâche, & voici le septieme mois que je ne suis sorti qu’une seule fois, dont je me suis trouvé fort mal. Jugez d’après tout cela si je suis en état de recevoir M. de Servant, quelque desir que j’en eusse. Dans tout le cours de ma vie, il n’auroit pas pu choisir plus mal son tems pour me venir voir. Dissuadez-l’en, je vous supplie, ou qu’il ne s’en prenne pas à moi s’il perd ses pas.

Je ne crois pas d’avoir écrit à personne que peut-être je serois dans le cas d’aller à Berlin. Il m’a tant passé de choses par la tête que celle-là pourroit y avoir passé aussi, mais je suis presque assuré de n’en avoir rien dit à qui que ce soit. La mémoire que je perds absolument m’empêche de rien affirmer. Des motifs très-doux, très-pressans, très-honorables m’y attireroient sans doute. Mais le climat me fait peur. Que je cherche au moins la bénignité du soleil, puisque je n’en dois point attendre des hommes ! J’espere que celle de l’amitié me suivra par-tout. Je connois la vôtre, & je m’en prévaudrois au besoin ; mais ce n’est pas l’argent qui me manque ; & si j’en avois besoin, cinquante louis sont à Neufchâtel à mes ordres, graces à la prévoyance de Mylord Maréchal.