Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/506

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qu’importe à M. de M. ? Craint-il que je ne me présente pour communier de sa main ? Qu’il se rassure. Je ne suis pas aguerri aux communions comme je vois tant de gens l’être. J’admire ces estomacs dévots toujours si prêts à digérer le pain sacré : le mien n’eut pas si robuste.

Il dit qu’il n’avoir qu’une question très-simple à me faire de la part de la Claire. Pourquoi donc en me citant ne me fit-il pas signifier cette question ? Quelle est cette ruse d’user de surprise, & de forcer les gens de répondre à l’instant même sans leur donner un moment pour réfléchir ? C’est qu’avec cette question de la Classe dont M. de M. parle, il m’en réservoit de son chef d’autres dont il ne parle point, & sur lesquelles il ne vouloit pas que j’eusse le tems de me préparer. On sait que son projet étoit absolument de me prendre en faute, & de m’embarrasser par tant d’interrogations captieuses qu’il en vînt à bout. Il savoit combien j’étois languissant & foible. Je ne veux pas l’accuser d’avoir eu le dessein d’épuiser mes forces : mais quand je sus cité j’étois malade, hors d’état de sortir & gardant la chambre depuis six mois. C’étoit l’hiver, il faisoit froid, & c’est pour un pauvre infirme un étrange spécifique qu’une séance de plusieurs heures, debout, interrogé sans relâche sur des matieres de Théologie, devant des Anciens dont les plus instruits déclarent n’y rien entendre. N’importe ; on ne s’informa pas même si je pouvois sortir de mon lit ; si j’avois la force d’aller, s’il faudroit me faire porter ; on ne s’embarrassoit pas de cela. La charité pastorale, occupée des choses de la foi, ne s’abaisse pas aux terrestres soins de cette vie.